Les grands maîtres de l’Orient comme de l’Occident n’ont jamais négligé l’importance de la suggestion pour mettre le spectateur en confiance. Qui peut contempler un chef-d’œuvre sans être épouvanté de l’immensité de pensée qu’il offre à nos regards ? Il n’est pas de chefs-d’œuvre qui ne soient familiers et sympathiques. Combien sont froides, au contraire, les productions courantes de l’heure actuelle ! Ici, l’épanchement chaleureux d’un cœur d’homme ; là, rien de plus qu’un geste formaliste. Esclaves de la technique, les modernes s’élèvent rarement au-dessus d’eux-mêmes. […] Il se peut que leurs œuvres soient plus proches de la science ; elles sont sûrement plus éloignées de l’humanité. Il existe un vieux dicton japonais d’après lequel une femme ne peut aimer un homme vraiment vaniteux, car il n’y a pas dans son cœur de fissure par où l’amour puisse pénétrer et le remplir.
Okakura Kakuzo — LE LIVRE DU THÉ, p. 89