Le Comte de Monte-Cristo

Alexandre Dumas, LE COMTE DE MONTE-CRISTO

« Quant à l’encre, dit Faria, vous savez comment je procède ; je la fais à mesure que j’en ai besoin.

— Maintenant je m’étonne d’une chose, dit Dantès, c’est que les jours vous aient suffi pour toute cette besogne.

— J’avais les nuits, répondit Faria. 

— Les nuits ! êtes-vous donc de la nature des chats et voyez-vous clair pendant la nuit ?

— Non ; mais Dieu a donné à l’homme l’intelligence pour venir en aide à la pauvreté de ses sens : je me suis procuré de la lumière.

— Comment cela ?

— De la viande qu’on m’apporte je sépare la graisse, je la fais fondre et j’en tire une espèce d’huile compacte. Tenez, voilà ma bougie. »

Et l’abbé montra à Dantès une espèce de lampion, pareil à ceux qui servent dans les illuminations publiques.

« Mais du feu ?

— Voici deux cailloux et du linge brûlé.

— Mais des allumettes ?

— J’ai feint une maladie de peau, et j’ai demandé du soufre, que l’on m’a accordé. »

Dantès posa les objets qu’il tenait sur la table et baissa la tête, écrasé sous la persévérance et la force de ce esprit.

Alexandre Dumas, LE COMTE DE MONTE-CRISTO, La chambre de l’abbé p. 172