Gion

J’ai fait 16 898 pas aujourd’hui, soit 11,7 kms. La température était d’1 ou 2 degrés, mais le soleil timide a bien facilité les choses. J’ai failli passer à côté, mais j’ai fini par me laisser tenter par la visite du temple de Kenin-ji, dans le quartier de Gion. Ça a été le meilleur moment d’une journée tourmentée et ensoleillée.

Le corps de bâtiments vaut le détour à lui seul : de longs couloirs, des passerelles au-dessus de jardins de gravillons blancs très soigneusement peignés, des bonsaïs de toutes tailles… De fantastiques peintures de feuilles de lotus, des dessins au pinceau de dragons et de dieux du vent et de la foudre…

On pouvait y voir plusieurs duos photographe/geisha, en pleine séance de prise de vues photographiques. Est-ce la geisha qui loue les services d’un photographe ou l’inverse ? Pas si facile à déterminer…

Les restaurants se signalent généralement par une carte (en japonais) à l’extérieur, et une sorte de kakémono devant la porte d’entrée : on ne voit pas l’intérieur. À force d’hésiter à entrer, je me retrouve à manger le soir, dans le petit resto à udon en face de la guest house Meguri, où je file dormir juste après, écrasé de la fatigue d’Hercule après qu’il ait redressé les anneaux de Saturne.

De retour vers le quartier de la gare de Kyoto, deux gamines de 12-13 ans m’ont demandé si j’accepterais de répondre à quelques questions. De quel pays je viens, pour que faire, qu’est-ce que j’ai mangé au Japon, quelle nourriture j’ai préféré, quel plat japonais j’aimerais goûter, quel plat français je recommanderais… et pour finir, elles m’ont demandé si elles pouvaient se prendre en photo avec moi. Elles se marraient de leur audace à parler à un gaijin. C’était très amusant pour moi aussi.

Cent mètres plus loin, au milieu d’un interminable passage piéton, je croise Yasu (qui tient la guest house Meguri) et sa femme. On se reconnaît, se salue et se sourit, surpris, puis le flot des piétons nous emporte.

De retour à l’auberge, je croise Marie-Antoinette, une française des Antilles et de Sarlat, qui est venue passer deux mois à Kyoto et un mois à Tokyo. Voilà un plan qui me paraît familier… où l’ai-je déjà entendu ? Ah ben oui, c’est bien sûr ! C’est exactement celui que j’ai patiemment élaboré moi-même. Elle commence à bien connaître Kyoto maintenant, pour l’avoir parcourue à pied dans toutes les directions au minimum.

Je vais pas mal marcher aussi, je crois. Mais plus tard. Là il est 6 heures du matin et je vais me décaler dans un sommeil plein de rêves tourmentés et ensommeillés.

Protégé

J’ai avec moi une carte bancaire, un téléphone-ordinateur-gps pour me guider et me renseigner, une liseuse pour avoir accès aux livres, et un appareil photo pour donner une direction (voire un sens ?) à ma vie.

Que peut-il m’arriver ?

Une fuite de la douche, chez mon voisin du dessous, à Strasbourg.

Incursion en milieu corrosif

J’ai réussi à me lever à 10 heures du matin, hier. Je commence à recoller à un rythme de vie synchrone, vaguement. Le décalage horaire a la légèreté d’un lundi de décembre à Strasbourg (par un matin d’orage).

J’ai passé l’essentiel de ma journée au Yodobashi camera, un immense magasin de tout. À la base pour y chercher un petit disque dur, peut-être une doudoune supplémentaire, et puis j’ai fini par aller jeter un œil à leur très impressionnant rayon photo. Bon, dans l’ensemble, ce grand magasin/centre commercial est une vaste et foisonnante stimulation sonore couplée à une multiplicité de savants capteurs d’attention visuelle. Reconnaissons-le : un pur cauchemar. Mais ils ont plein de trucs, un très gros rayon jouets entre autres.

Premières impressions

Voilà trois jours que je suis arrivé au Japon, sous le signe du dépaysement et de la confusion. Je dors 12 heures par jour au minimum, en journée, et je me réveille à 1 heure du matin pour lire et classer les photos prises la veille (quelques unes, quand même). Je ne comprends rien aux panneaux, tout n’est pas traduit en anglais, loin de là, heureusement que les japonais sont là pour m’aider, parfois.

Sas de compression

Je suis dans le train. Pas tout à fait irrémédiablement parti mais déjà plus à la maison.

Qu’est-ce que j’attends de cette entreprise, de ce voyage ? Une inspiration… Ça paraît brut de décoffrage, mais au fond, c’est ça.

Je vois quelqu’un qui travaille sur une partition musicale, sur papier et à l’aide d’un téléphone en même temps. Et je comprends, finalement, ceux qui s’extasient devant les gens qui dessinent. Ça me paraissait incongru tellement le geste de dessiner va de soi, ou devrait, mais il se trouve dans cette admiration peut-être plus de bonne foi que ce que je croyais.

Un journal

© Nobuyoshi Araki

A diary is basically a monologue through which people record their feelings, while simoultaneously providing  a form of self-expression. As Susan Sontag says, « the journal is a vehicle for my sense of selfhood »,  and a diary is generally written  for the individual’s own sake but when it is used as a form of expression, it is necessary to expose private matters to the outside world, and in « Winter Journey » Araki’s diction allows the viewer to enter his heart.

Nobuyoshi Araki — SENTIMENTAL JOURNEY 1971 – 2017 — p. 260