Et l’acte photographique peut devenir très vite une sorte de folie, d’aveuglement, de tic, d’annulation de l’existence : car à chaque seconde, sur chaque mètre carré de tous les points du globe, il se forme une situation photographique qui se transforme en petit désespoir si on ne la possède pas. Tous les visages, tous les arbres, tous les murs, tous les mouvements ont un intérêt et une beauté photographiques ; et chaque parcelle de la Terre sera doublée d’un petit objectif qui mitraillera, seconde après seconde ; tous les pores de l’homme seront munis de loupes, de lentilles et de grands angles, si l’on mène un jour la passion photographique à son terme.
Hervé Guibert / La photo, inéluctablement p. 148